Le Bélier à la Toison d’Or
Mythes et légendes grecques de notre ciel
En résumé …
Le Bélier est celui qui a emporté Phrixos et Hellé loin du courroux et de la jalousie de leur belle mère, Ion, qui voulait les sacrifier. Zeus envoya alors un bélier à toison d’or pour les aider à fuir. Enfourchant l’animal, le frère et la sœur s’enfuirent par delà les mers.
Mais au cours du voyage, Hellé disparut au dessus de la mer Egée, dans le détroit qui sépare la Grèce de la Turquie. Phrixos continua seul le voyage et finit son périple en Colchide où il fut accueilli par le roi Éétès. En remerciement, le bélier se dépouilla de sa toison d’or, celle là même qui est à l’origine de la quête de Jason et des Argonautes.
La constellation du Bélier en quelques mots
Constellation bien tristounette que celle du Bélier. Son nom officiel est Aries (bélier en romain). Située au dessous du Triangle et de Persée et à proximité des Pléiades, la constellation comprend deux étoiles principales, alpha (dite Hamal) et béta (dite Sheratan). On n’y trouve aucun objet profond véritablement significatif.
Elle avait la caractéristique dans les périodes anciennes d’être la première des constellations du zodiaque (époque où le début de l’année était fixée au 1er avril). En effet, il y a 2000 ans, le Bélier était l’endroit où se situait le point vernal de l’équinoxe, un des deux points de croisement de l’écliptique et de l’équateur céleste que croise le soleil lors de son mouvement apparent. Avec la précession des équinoxes, ce point est aujourd’hui situé dans la constellation des Poissons.
Ce qu’en disent les auteurs anciens
“Il s’agit de celui qui transporta Phrixos et Hellé. Il était immortel et leur fut donné par Nephélé, leur mère. Il avait une toison d’or, comme le racontent Hésiode et Phérécyde”. Eratosthène. Catastérismes
“C’est pense t-on, celui qui, selon la légende, transporta Phrixos et Hellé sur l’Hellespont. D’après Hésiode et Phérécyde, il avait une toison d’or”. Hygin, L’Astronomie.
“Phrixos prit avec lui sa sœur Hellé et s’enfuit hors de Grèce. Ils passèrent d’Europe en Asie, aidés par une providence divine, sur le dos d’un Bélier à la toison d’Or”. Diodore de Sicile, Mythologie des Grecs.
Phrixos et Hellé emportés par le Bélier
Très belle légende que celle de ce Bélier, volant au dessus des mers, emportant Phrixos et Hellé dans une expédition tragique.
Tout commence en Béotie. Athamas est un roi béotien, fils d’Eole. Il épouse en premières noces Néphélé, qui lui donne deux enfants, un garçon, Phrixos et une fille, Hellé. Puis il répudie Néphélé pour prendre en secondes noces, Ino, la fille de Cadmos. De l’union d’Ino et d’Athamas vont naître deux autres enfants, Léarchos et Melicerte. Ino devient alors un personnage central de la mythologie grecque en accueillant et élevant Dionysos, ce qui lui vaudra par la suite les inimitiés d’Hera.
Mais cette famille recomposée se déchire bien vite. Jalouse des deux enfants issus de Néphélé, Ino imagine un complot machiavélique afin de s’en débarrasser. Elle demande aux femmes de Beotie de faire griller des semences de blé. Lorsque les hommes semèrent le blé, bien évidemment rien ne poussa. Effrayé par cette situation, Athamas décide d’envoyer des messagers consulter l’oracle de Delphes. Mais Ino, chemin faisant, les détourne de leur objectif et les soudoie en leur demandant de rapporter le message selon lequel seul le sacrifice de Phrixos pourra conjurer la malédiction : ”Ino gagna ceux qu’il y envoyait pour leur faire dire que l’oracle avait répondu que cette calamité cesserait si on sacrifiait Phrixos à Zeus” (Apollodore, Bibliothèque, Livre i, Chapitre IX).
Acceptant les supplications de son peuple lui demandant de sacrifier Phrixos, Athamas, les yeux rougies et pleurant, conduit alors son fils au bûcher afin de l’immoler. C’est à ce moment là que surgit un bélier à toison d’or, envoyé pour les uns par Zeus pour les autres par Hermés et Hera qui avaient pris parti pour Néphélé. Phrixos grimpe sur son dos et sa sœur, Hellé, le conjure de l’emmener avec lui : “ne me laisse pas à la merci de mon père”. Ils se mettent donc sur la croupe du bélier qui s’envole dans les airs et survole les mers pour échapper à leurs poursuivants. “Ce bélier les porta par les airs, à travers la terre et la mer” (Apollodore).
C’est là qu’intervient l’élément tragique de cette légende. Alors qu’ils passent au dessus du détroit qui sépare la Grèce de la Turquie, entre Sigé et la Chersonèse, Hellé se penche et tombe dans la mer. Dans un ultime geste de secours, Phrixos essaye de retenir sa sœur. En vain. Celle ci se noie sous ses yeux sans pouvoir remonter sur le dos du bélier. Elle est cependant sauvée et recueillie par Poséïdon qui en fera une divinité marine et l’une de ses maîtresses. Ensemble, ils eurent un fils, Peon. Depuis ce détroit porte le nom d’Hellespont (avant d’être rebaptisé détroit des Dardanelles).
Phrixos et le Bélier poursuivent cependant leurs routes et arrivent sur les berges de la Colchide où règne Éétès, un fils d’Hélios. Ce dernier l’accueille les bras ouverts et lui donne même en mariage sa fille. Pour le remercier, Phrixos “sacrifia le Bélier à Zeus, en cloua la toison au temple et l’image du bélier lui même, placée au ciel par Néphélé, gouverne la saison où l’on sème le blé, ce blé qu’Ino avait naguère semé grillé” (Hygin, Astronomie, Livre II, &20). Eratosthène donne de son côté une fin un peu différente, occultant le côté sacrificiel et visant à expliquer la faible lueur des étoiles composant le bélier : “le Bélier se défit de sa toison d’or et l’offrit à Éétèe comme un souvenir ; et il partit, tel quel, rejoindre les constellations ; c’est pourquoi il brille d’un éclat relativement faible” (Eratosthène, Catastérismes, &19).
Le Bélier qui sauve une armée
Dans son Astronomie et fidèle à son habitude de donner plusieurs versions à la légende de chaque constellation, Hygin nous fournit une autre histoire possible pour expliquer le Bélier.
Pour cela, il en appelle à Liber attaquant l’Afrique. Ce Liber c’est en fait Liber Pater, assimilé chez les romains à Bacchus. Pour les grecs, on fait alors plutôt référence à Dionysos Éleutherus (qui veut dire libre).
Or donc, notre Liber Pater se trouve en Afrique avec son armée dans un endroit particulièrement venteux et sablonneux désigné sous le nom d’Ammodes (sablonneux en grec). Beaucoup y voient l’oasis forteresse de Siwa, actuellement située aux confins de l’Egypte et de la Libye. Liber Pater et ses troupes se trouvent alors dans une situation désespérée, manquant terriblement d’eau. Et c’est alors “qu’au milieu de leurs délibérations sur la conduite à tenir, survint par hasard devant les soldats un bélier qui errait seul ; à leur vue, il chercha un secours dans la fuite” (Hygin, Astronomie, livre II, chap 20). Malgré la soif et la bouche aride, les soldats décident de suivre ce bélier. Mais il leur échappe. Pour autant, ce qu’ils trouvent a une valeur bien plus estimable que le bélier en question : de l’eau. “Ils y découvrirent une grande quantité d’eau, reprirent des forces et s’empressèrent d’apporter la nouvelle à Liber” (Hygin).
Sur ce lieu, Liber décida de construire un temple dédié à Jupiter Hammon, avec une statue ornée de cornes de bélier. Liber se réfère alors à Ammon, le dieu égyptien dont le bélier était un des animaux sacrés. Hygin indique que Liber, en plaçant le bélier parmi les constellations au printemps, a voulu symboliser la période où l’on redonne toutes les forces à la création. “De plus, il a voulu en faire le premier des douze signes, parce qu’il a été le meilleur guide pour l’armée du dieu” (Hygin).
Pour en savoir plus
- Encyclopédie du Ciel, sous la direction d’Arnaud Zucker (Éditions Bouquins)
- Eratosthène — Le Ciel, Mythe et Histoires des constellations, sous la direction de Pascal Charvet (Éditions du Nil)
- Eratosthène de Cyrène, Catastérismes (Éditions Belles Lettres)
- L’Astronomie, Hygin (Éditions Belles Lettres)
- Pierre Grimal, dictionnaire de la mythologie grecque et romaine (Éditions PUF)
- Robert Graves, Les mythes grecs (Livre de Poche)
- Jean-Claude Belfiore, Grand Dictionnaire Larousse de la Mythologie (Larousse Éditions)
- Apollodore, Bibliothèque (FB Éditions)
- Diodore de Sicile, Mythologie des Grecs (Éditions Belles Lettres).